Je découvre cette auteure qui m'a fait angoisser avec ses personnages englués dans des situations innommables. Au cours de ces 14 textes, on parcourt une sorte de dictionnaire des souffrances du corps intimement lié à l'âme et à une histoire tragique.
Maison Villebasse rend compte des tourments d'une jeune fille internée. Pourtant, elle ne paraît pas folle, juste sujette à d'atroces douleurs qui à son époque n'étaient pas répertoriées par les médecins. Donc, si l'on ne peut la soigner elle doit être enfermée avec les déments et subir les terribles traitements infligés à ces vrais malades... Médicaments inadaptés, lobotomie, chocs électriques puis bains glacés proches de la noyade. Le catalogue des tortures subies par Viviane s'avère complet ! La fin n'est pas rose non plus mais j'ai aimé avoir été bousculée de la sorte.
Sur le bateau nous rappelle que des gens sont prêts à tout pour fuir leur pays en guerre. Le sujet des migrants vu par un jeune garçon devient si réel, palpable qu'il donne la nausée. Pas d'échappatoire possible lorsque l'on dérive loin des côtes, que l'on est si jeune et que tous ces morts dansent autour des vivants.
Lycanthropie : l'histoire d'un couple qui vit à l'écart des autres. Cette fois, la femme fuit face à son homme déchaîné et cherche de l'aide. Est-ce de la violence conjugale ordinaire ?
Le propos abordé sous l'angle des transformations impromptues s'éclaire soudain et retient toute notre attention. Magistral !
Catharsis : quand vouloir se libérer de soi-même est pris au pied de la lettre. Glaçant et morbide.
La mort de Newton : pour moi l'histoire la plus terrifiante car les pires actes viennent d'un enfant qui pense être dans son bon droit. Bien sûr l'origine des vengeances justifie les horreurs préméditées par ce petit garçon délaissé et sali par des adultes. Suivre les étapes en étant dans sa tête donne tout de suite une ambiance plus crue. J'ai beaucoup aimé ce ton et ce qui se passe ^^
Corpus Dei : Pauvre Dieu qui ne décolère pas à cause de nous autres, les hommes inconscients et stupides aux inventions dangereuses. Un petit texte qui détend.
Voodoo Child : Quelque chose s'est cassé dans ce couple depuis l'opération mais Antoine ne s'offusque pas du comportement suicidaire de celle qu'il appelle sa poupée vaudou. Un amour contrarié par la vie merdique qui te tombe dessus sans crier gare ! Pour l'instant tout va à peu près bien. Une tranche de vie bien décrite, qui touche l'âme.
Vivre morte : Une rencontre puis une confrontation qui ne sera pas si innocente que ça. À ce jeu du chat et de la souris, il y aura de la casse...
Détendez-vous : idée assez casse gueule mais très bien amenée. Sur un ton ironique. Si les cours de yoga vous énervent, vous pouvez tester les pensées négatives ^^
Les maux et la chair : Les cauchemars s'invitent d'une manière un peu trop réelle pour Aurore qui n'ose plus dormir de peur de rencontrer le personnage sadique qui la hante. Mais de force puis de gré, elle se laissera dominer et changera de caractère, devenant elle-même. La douleur révélant son moi profond. Question de point de vue.
Le sang, le stupre et la proie : La prostituée cache bien son jeu. Histoire où les rôles s'inversent et j'aime bien.
Grossesse : Le désir d'enfant chez Rachel qui tient son journal scrupuleusement. C'est cela qui la tient vivante mais le sort s'acharne sur elle et l'exclut de ce bonheur simple que n'importe quelle femme peut éprouver. Pas elle ! Triste, désespérant mais très bien écrit car on suit cette future maman en y croyant nous aussi... Johanna Almos, tu m'as bien eue !
Hiver : Le souvenir douloureux d'une personne chère, Alice, se ramène à la mémoire de la narratrice. Le ton très en demi teinte tranche avec d'autres textes mais provoque une douce mélancolie surtout avec l'apparition, la femme blanche. Cet amour mal vu par le voisinage car il réunit deux femmes apparaît pourtant si profond.
La preneuse de note : dernier texte qui clôt le recueil est très mystérieux. Cette femme qui apparaît aux moments critiques au cours de la vie du narrateur, prenant des notes et disparaissant vite interroge. Il n'y a pas vraiment de grosses surprises à la fin de la lecture, seulement une parabole sur le temps qui passe.
En conclusion, je recommande grandement ce livre de nouvelles toutes marquantes. Johanna Amos a fourni un vrai travail en profondeur qui exhume les plaies cachées de chacun. Nécessaire.
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Johanna tient une librairie à Tonnerre :
http://www.plume-et-image.fr/index.php/librairie
Ce recueil ne serait pas là sans Otherlands :
http://welcometootherlands.wixsite.com/otherlands
que je remercie pour cette découverte.