Je vous avais parlé de ce roman dans un précédent article : voici la page 127 + 128 pour vous donner une idée du genre de phrase à rallonge mais on s'y fait quand on est plongé dans sa lecture !
" Nul ne vit rien. Les premières semaines les habitants allaient dans une ville pareillement étincelante et fluide, les affaires jutaient de gros dividendes, les glaçons s'entrechoquaient doucement au fond de whiskeys mordorés tchin-tchin tandis que des filles aux coins des yeux tatoués avalaient des speedballs - coke + bicarbonate de soude - avant d'aller rôder en soutif et minijupe en jean dans les parkings souterrains des grands hôtels de luxe, on débita des ruchés de strass vendus au kilomètre, la cosmétique envahit les vitrines, des gamins de seize ans firent fortune à la boule usant d'une martingale dénichée sur Internet, le pont se construisit, les hommes et les femmes du chantier ne levaient plus la tête mais travaillaient ramassés sur les gestes à faire, s'acquittant chaque jour des quotas de mètres carrés, de mètre cube et de tonnes requis sur les tableaux relatifs au phasage des travaux, oui, le pont se haussait, il partait bdu plus bas, du plus profond, une profondeur dont personne à Coca n'avait la moindre idée, il prenait appui au fond de trouées calibrées au millimètre qui transperçaient une à une les strates de sédiments, se basait au coeur du mille-feuille mnésique, se soutenait de la glèbe la plus noire et la plus lourde, pâte grasse qui suintait ses rigoles de jus archaïque, s'égouttait ploc ploc ploc, et ça résonnait comme un cachot, scintillait dans les faisceaux des lampes frontales puisque les têtes casquées s'y penchaient à l'examen puis se redressaient faces noires et yeux exorbités, on y est, on y est, le trou du cul du monde, ça gueulait, talkies-walkies crochetés aux oreilles, encore, encore, vas-y, descends, encore, dans le cul profond, quand là-haut, tout là-haut, à la surface du monde, dans le soleil éblouissant et l'éclat des berlines polishées carrosses, c'était encore des talons aiguilles tac tac tac, des pneus de gomme sculptée qui râpaient l'asphalte, des gens en marche qui vivaient la vie et ignoraient tout de ce qui se jouait.
Ouf ! Quelle phrase ! Dites-moi ce que vous en pensez ?????