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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 11:54

Je vous avais parlé de ce roman dans un précédent article : voici la page 127 + 128 pour vous donner une idée du genre de phrase à rallonge mais on s'y fait quand on est plongé dans sa lecture ! 

" Nul ne vit rien. Les premières semaines les habitants allaient dans une ville pareillement étincelante et fluide, les affaires jutaient de gros dividendes, les glaçons s'entrechoquaient doucement au fond de whiskeys mordorés tchin-tchin tandis que des filles aux coins des yeux tatoués avalaient des speedballs - coke + bicarbonate de soude - avant d'aller rôder en soutif et minijupe en jean dans les parkings souterrains des grands hôtels de luxe, on débita des ruchés de strass vendus au kilomètre, la cosmétique envahit les vitrines, des gamins de seize ans firent fortune à la boule usant d'une martingale dénichée sur Internet, le pont se construisit, les hommes et les femmes du chantier ne levaient plus la tête mais travaillaient ramassés sur les gestes à faire, s'acquittant chaque jour des quotas de mètres carrés, de mètre cube et de tonnes requis sur les tableaux relatifs au phasage des travaux, oui, le pont se haussait, il partait bdu plus bas, du plus profond, une profondeur dont personne à Coca n'avait la moindre idée, il prenait appui au fond de trouées calibrées au millimètre qui transperçaient une à une les strates de sédiments, se basait au coeur du mille-feuille mnésique, se soutenait de la glèbe la plus noire et la plus lourde, pâte grasse qui suintait ses rigoles de jus archaïque, s'égouttait ploc ploc ploc, et ça résonnait comme un cachot, scintillait dans les faisceaux des lampes frontales puisque les têtes casquées s'y penchaient à l'examen puis se redressaient faces noires et yeux exorbités, on y est, on y est, le trou du cul du monde, ça gueulait, talkies-walkies crochetés aux oreilles, encore, encore, vas-y, descends, encore, dans le cul profond, quand là-haut, tout  là-haut, à la surface du monde, dans le soleil éblouissant et l'éclat des berlines polishées carrosses, c'était encore des talons aiguilles tac tac tac, des pneus de gomme sculptée qui râpaient l'asphalte, des gens en marche qui vivaient la vie et ignoraient tout de ce qui se jouait. 

Ouf ! Quelle phrase ! Dites-moi ce que vous en pensez ?????

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 22:39

Attention, ne vous offusquez pas .... c'est de l'humour ! 

Je m'interrogeai sur le nombre croissant d'incivilités dans les cours d'école et je tombe sur cet article très bien écrit de Alain Finkielkraut.

" La guerre est déclarée" est l'histoire d'un enfant atteint d'une tumeur au cerveau. Il est opéré. L'opération réussit. Mais il a 10 % de chance de survivre. Ses parents décident de se battre. Accompagnent l'enfant dans l'interminable calvaire des traitements. La tumeur est vaincue. Plus tard, le chirurgien reçoit la famille. Il leur annonce la guérison définitive. Comme pour confirmer ce diagnostic, l'enfant qui a bien grandi, se plonge dans les délices virtuels d'un jeu vidéo. Ainsi se ferme la longue parenthèse de la maladie. Le héros reprend, les yeux rivés sur son écran, une vie normale. Tout rentre dans l'ordre. Un ordre où la POLITESSE n'a aucune part. Il ne viendrai pas à l'idée des parents de dire à l'enfant d'attendre la fin de la consultation pour jouer à la Playstation. L'obliger à écouter, à dire éventuellement merci, se serait exercer sur lui la violence que leurs parents exerçaient sur eux. Ils entendent rompre avec cette tradition autoritaire. Les bonnes manières, ce n'est pas leur truc. Aux contraintes et aux conventions, ils préfèrent la liberté; à la bienséance, la spontanéité; au mensonge des apparences, l'authenticité des sentiments; à l'observance des rites, la religion du coeur. A ceux qui se croient distingués et érigent le savoir-vivre en outil de reconnaissance sociale, ils font cette réponse : tous les hommes sans distinction de race, d'âge ou de rang sont égaux. Bref, ils veulent être des parents démocratiques. Là où régnait l'inhibition, le droit d'être soi-même doit prévaloir.

Mais ce qu'ils ont oublié, et la démocratie triomphante avec eux, c'est que la politesse n'est pas une valeur bourgeoise, ou du moins que cette valeur bourgeoise a une valeur éthique : le souci d'autrui. Par la politesse je tiens compte de la présence de l'autre en mettant une sourdine à la mienne. la preuve à contrario : cet enfant laissé à son égocentrisme natal et aux nouvelles technologies frappe d'inexistence la personne qu'il a en face de lui. En commençant ainsi sa carrière d'être humain, il risque fort de rejoindre l'immense cohorte des oublieux de l'Autre : ceux qui claquent la porte de leur chambre d'hôtel quand ils rentrent à minuit; ceux qui, leur casque sur les oreilles, traversent le monde sans voir personne; ceux qui téléphonent en public, voire ceux qui injurient ou agressent l'autre quand il s'avise imprudemment de leur rappeler sa présence. Avant d'être un automatisme, la politesse est une attention. Sous prétexte de ne pas inculquer l'automatisme, les parents-soldats de "La guerre est déclarée" manquent à leur devoir d'enseigner l'attention.

Mais les mêmes parents, à un autre moment du film, laissent transparaître leur hostilité viscérale au front National et à ses thèses xénophobes. Ils ont tiré les leçons de l'histoire, en effet : entre le même et l'Autre, ils ne transigent pas, ils choisissent l'Autre, et le font savoir. Tel est le paradoxe : tandis qu'avec les formes disparaissent les égards envers l'Autre empirique, le culte idéologique de l'Autre bat son plien. Le fascisme ne passera pas mais la muflerie s'installe. A.F."

 

Un autre article du Nouvel Observateur du 26/01/2012 développe l'idée d'une politesse " vernis hypocrite" : c'est vrai qu'elle semble un artifice dépassé ...

" Quand on n'a pas accès aux codes de bienséance, l'injonction d'être poli est une invitation à fermer sa gueule, à subir, à accepter sa place sociale. De la politese à la soumission, il n'y a qu'un pas. Cette politesse-là me donne des poussées d'urticaire. Hamé."

Et aussi : "Dans une lettre de licenciement, les formules de courtoisie n'y peuvent rien. Même enrobée, la pilule reste amère. Donc la politesse serait un voile posé sur la violence sociale. Caroline Brizard." Certes ...

mais tout de même, les parents ne se font plus respecter en jouant la carte du " laisser-faire" et de "l'enfant-roi", par ricochet les institutions ( écoles, ministres, fonctionnaires ... )aussi. S'il y a eut des dérives, je ne pense pas qu'il faut balayer le peu de règles qu'il reste ! On peut craindre que ces enfants deviennent des futurs délinquants, n'ayant jamais de limites.


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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 22:20

maylis de kerandal naissance d'un pont

 

Ce roman édité chez Verticales est quand même vertigineux, d'une écriture insolite. 

Jamais je n'ai lu de phrases aussi longues et personne ne conseille à un écrivain ce genre de descriptions interminables, ainsi qu'une absence totale de dialogues ... vous avez bien lu ! Il y a des personnes qui se rencontrent et à aucun moment n'apparait un

- ( avec une parole  prononcée )

C'est un sacré challenge ! On dirait que l'auteur s'est donné plusieurs défis ... allonger le plus possible ses phrases et surtout ne pas écrire de dialogues ... des pensées, oui, des traits en plein milieu d'une phrase " ...,et s'était tourné vers lui, glaciale tu permettras quand même que je garde la voiture ? - , il redemande, criant cette fois, c'est combien le maximum ? Summer a repris sa place dans les rangs, messagère de Diderot ; on paye. Les gars ayant appris la nouvelle, certains forment une file pour récupérer du cash - et parmi eux Katherine Thoreau, Soren Cry, Duane Fisher et Buddy Loo, les Indiens -, tandis que les autres se dirigent vers les vestiaires, perplexes. Summer et Sanche se tiennent côte à côte : et nous ? on va être payés ou pas ? C'est Sanche qui a parlé en opérant de petits mouvements de bascule sur les talons pour se dresser sur la pointe des pieds. Tout le monde, Summer sourit, tout le monde va prendre sa thune et rendez-vous dans trois semaines."

Comment dire : l'ensemble est assez froid mais ça fonctionne et on se laisse entraîner dans ce tourbillon de mots et d'ambiance lourde. On se demande s'il ne va pas y avoir du grabuge, il y en a ... pas assez à mon goût entre la communauté indienne et les " envahisseurs" ( ceux qui construisent le pont sur des Terres Indiennes ). J'aurai aimé qu'un cartel de la drogue vienne s'en mêler et empêcher cette anomalie ( un pont au milieu d'une végétation foisonnante, de la beauté sauvage ... très bien montrée. Une aberration, ce pont.

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Voici la quatrième de couverture : 

" A l'aube du second jour, quand soudain les buildings de Coca montent perpendiculaires à la surface du fleuve, c'est un autre homme qui sort des bois, c'est un homme hors de lui, c'est un meutrier en puissance. Le soleil se lève, il ricoche contre les façades de verre et d'acier, irise les nappes d'hydrocarbures moirées arc-en-ciel qui auréolent les eaux, et les plaques de métal taillées en triangle qui festonnent le bordé de la pirogue, rutilant dasn la lumière, dessinent une mâchoire ouverte. "

Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir de destins croisés d'une dizaine d'hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. Un roman-fleuve, " à l'américaine", qui brasse des sensations et des rêves, des paysages et des machines, des plans de carrière et des classes sociales, des corps de métier et des corps tout court.

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Autre extrait : le début 

Au commencement, il connut la Yakourie du Nord et Mirney où il travailla trois années. Mirney, une mine de diamants à ouvrir sous la croûte glaciale, grise, sale, toundra désespérante salopée de vieux charbon malade et de camps de déportés, terre déserte baignée de nuit à engelures, cisaillée onze mois l'an d'un blizzard propre à fendre les crânes, sous laquele sommeillaient encore, membres épars et cornes géantes bellement recourbées, rhinocéros en fourrur, bélougas laineux et caribous congelés - cela il se l'imaginait le soir attablé au bar de l'hôtel devant un alcool fort et translucide ,la même pute subreptice lui prodiguant mille caresses tout en arguant d'un mariage en Europe contre loyaux service mais jamais ne la toucha, pouvait pas, plutôt rien que baiser cette femme qui n'avait pas envie de lui, il s'en tint à ça. Les diamants de Mirny, donc, il fallut creuser pour aller les chercher, casser le permafrost à coups de dynamite, forer un trou dantesque, large comme la ville elle-même - on y aurait plongé tête en bas les tours d'habitation de cinquante étages qui y poussèrent bientôt totu autour -, et, muni d'une torche frontale, descendre au fond de l'orifice, piocher les parois., excaver la terre, ramifier des galeries en une arborescence souterraine latéralisée au plus loin, au plus dur, au plus noir, étayer les couloirs et y poser des rails, électrifier la boue, alors fouir le glèbe, gratter la caillasse et tamiser les boyaux, guetter l'éclat splendide. Trois ans.

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J'aime bien aussi les pages 127/128 : ce sera pour la prochaine fois si vous n'avez pas eu d'indigestion à la lecture de ces extraits !   



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Présentation

  • : Le blog de francoisegrenierdroesch auteur fantastique
  • : Je mettrai mes essais littéraires, mes coups de coeur, des liens vers mon roman fantastique " LE PIANO MALÉFIQUE " car je me suis découvert une passion pour l'écriture alors que jusque là, je dessinais et gravais. Mais, je suis enseignante et donc, j'ai peu de temps à consacrer à ce blog, ne m'en voulez pas d'être parfois longtemps absente ! Du Cauchemar au rêve, il n'y a qu'un livre ! ( La Confrérie de l'imaginaire )
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  • D'abord, j'ai toujours dessiné,( mon père étant peintre d'aquarelles superbes sur le vieux Troyes et œuvrant pour les Bâtiments de France comme adjoint d'architecte, j'ai hérité de son don pour le dessin ).Des rêves/cauchemars traînent dans
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