Une Terrible Beauté est née - Textes courts
By GarnielS Sylvain in Création littéraire. Concours d'écriture organisé par la Biennale de Lyon 2011. Un petit essai humoristique...
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Les résultats des lauréats sont parus dans la revue Télérama d'aujourd'hui, numéro 3230 du 10 au 16 décembre.
Ce titre " Une terrible beauté est née " vient d'un vers d'un grand poète irlandais W.B.Yeats dont la biennale de Lyon ( Art Contemporain )en a fait aussi son intitulé.
J'ai donc envoyé ma nouvelle qui n'a pas été retenue. Il fallait qu'elle fasse 2011 signes très exactement. Je ne sais pas si la mienne a été retenue ou pas parmi les 1286 nouvelles sur 1616 respectant les critères du concours.
Dix ont été choisies par le jury et trois sont parues dans ce numéro de décembre. Je pense que j'ai le droit de les recopier pour mon blog. J'aime la première, celle de Nicolas Digard Brou de Cuissard qui habite Paris ( d'ailleurs la 3ème retenue est écrite aussi par un parisien, une parisienne plutôt : Marie-José Piquet ). En cherchant à connaître le nombre de signes de celle que je vous livre, il y avait 2000 signes, donc pas le nombre exact demandé, mais bon, il y a eu les corrections ( relecture ) du service révision du journal.
Elle redoute qu'il voit tout et détourne les yeux d'elle. Alors elle s'éloigne du fleuve comme elle peut, longe l'estuaire jusqu'à une plage encadrée de rochers sombres. Le sable est glacial. Elle ne sent plus ses pieds. Elle remonte le drap de laine le long de ses cuisses et entre dans l'eau jusqu'aux mollets. Elle arrache la couronne qui comprime son crâne et la jette à la mer. Le vent s'est levé. Il emporte le papier froissé qu'elle tenait dans la main et fait venir les larmes aux coins de ses yeux. Viennent aussi les nuages noirs. Bientôt, ils étouffent le soleil et tout est gris. Une douleur lui traverse le ventre. Elle vacille. Elle sort de l'eau, trébuche sur les galets luisants.
Quelques pas hésitants sur le sable froid. Elle tombe.
La souffrance est trop grande. Elle lève les yeux vers le haut de la plage qu'elle n'a pas su atteindre. Les pins entament leur ballet. Ils balancent leurs chevelures vertes, frottent leurs aiguilles dans un froissement sifflé. Elle appelle son père, mais les albatros couvrent son cri.
Ils tournent sur le ciel sombre comme des étoiles éteintes. La mer a grossi. Chaque vague se coiffe d'une crinière d'écume que le vent tresse en de longues nattes d'embruns. Ses mains se crispent, vaines poignées de sable. Une vague se brise sur les rochers dans un grondement extraordinaire. Mille gouttes blanches jaillissent dans le ciel menaçant. Les nuages se recroquevillent, s'emmêlent, fusionnent puis rugissent : la pluie tombe à torrents.
L'eau du ciel colle les cheveux sur son visage et le tissu sur son ventre arrondi, lave le sang qui ruisselle de ses cuisses. Elle tremble de froid et de douleur. Les albatros dansent au creux de vagues prodigieuses. Ils se posent près d'elle par groupe de deux, baissent la tête vers le sol, piaulent un salut discordant. Les arbres se prosternent à présent. Et vague par vague, la mer s'approche en rampant pour accueillir sa fille. Calliope pousse un dernier cri et la sirène à peine formée disparaît dans l'écume.
Nicolas Digard Brou De Cuissart
3 avenue Taillade
75 020 Paris
ndigard@bbox,fr
31 ans
La mienne :
Deux cyclotouristes, Martial et sa femme Eléonore, roulaient en silence, au milieu des vignes. Accablés par la chaleur de ce mois d'août caniculaire ils n'avaient qu'une hâte : s'arrêter au prochain patelin venu.
Au loin, des toits vernissés avaient surgi de nulle part. Les contours des bâtisses se précisaient. Ils n'en croyaient pas leurs yeux : l'ensemble architectural déployait une ordonnance peu commune, qu'ils n'avaient jamais eu l'occasion de voir !
Ils arrivèrent dans la rue principale qui décrivait une sorte de spirale aboutissant à une place bordée de platanes majestueux. Ils attachèrent leurs bécanes et décidèrent de chercher une boulangerie et une fontaine pour remplir leurs gourdes. Ils trouvèrent la première : fermée. Pas d'écriteau indiquant des horaires d'ouverture. La deuxième ne se fit pas longtemps attendre : un enchantement. Une eau pure coula dans leur gorge et sur leur peau. Autour d'eux, les maisons aux volets et portes closes regorgeaient de surprises. Ici, des gravures à même la pierre, là, des sculptures de personnages bibliques. De nombreuses statues ourlaient les rues : leur perfection était stupéfiante. Elles paraissaient vivantes.
Plus loin, un lavoir orné de saphirs, d'émeraudes et de diamants. Des plate-bandes de fleurs inconnues entouraient arbres et monuments. Ils ne rencontrèrent personne, trouvèrent les magasins, cafés, restaurants fermés et éprouvèrent pourtant une plénitude profonde.
La chaleur avait fait place à une brise délicieuse. Tout s'agençait à merveille. L'église, taillée dans le marbre brillait de mille couleurs. Ils ne remarquèrent pas que la nuit les enveloppait d'un manteau opaque. Ce village de toute beauté avait été créé pour eux et il était terrible.
Bientôt, ils eurent froid. L'esprit du village travaillait à façonner ses victimes : la femme donnera une Vierge Marie rayonnante, figurine de pierre au regard brûlant de vie et décorera la rue du Paradis. L'homme, un Saint patron, sera exhibé au sommet d'un admirable édifice.