J'ai déjà publié cette nouvelle pour ceux qui connaissent : Passez votre chemin !
Les autres : lisez et laissez-vous surprendre
Si Elise est dans le coin : donne moi des conseils car elle n'a pas été retenue .... en tous cas, personne du " Monde" ne m'a contacté pour me dire si elle sera publiée ou pas ( depuis juillet quand même )
«Des sorts ET des bonbons»
Je venais de débarquer lorsque, soudain, j'aperçus une petite fille gracieuse, exhibant triomphalement un assortiment de ces bonbons gélatineux aux formes stupides, tête de mort, araignée, dent de vampire. Mamie n'était pas loin qui protestait : où as-tu trouvé ça ? Tu sais bien que ta maman ne veut pas. Ils sont halal, ces bonbons ? Il n'y a même pas de liste d'ingrédients sur le paquet ! La petite fille voulait les garder, juste pour les contempler ou jouer avec! Je te promets, je ne les mangerai pas ! Et moi, je passais par toutes les couleurs, car je n'avais pas fait tous ces kilomètres pour rien ! Oui, j'étais paniquée par de simples bonbons, je fouillais fébrilement dans mon sac à la recherche du paquet de ces sucreries dont raffolent les gamins, les mêmes exactement que ceux de cette jeune marocaine. Je devais m'en débarrasser le plus vite possible mais pas de cette manière! L'affolement me gagnait, je ne le retrouvais plus ! Je suivis ces personnes, et leur demandai le plus calmement possible de me restituer le paquet. La grand-mère me dévisageait, la petite fille semblait déjà dans un autre monde, mes arguments firent mouche: Je devais le donner à ma nièce et il a dû tomber de mon sac lorsque j'ai voulu prendre un magazine, j'avais de l'attente avant mon prochain avion, c'est pour ça !
J'étais à Marrakech, en partance pour le Sahara Occidental et là, cette fillette me ramenait à cette fameuse soirée d'Halloween, qui explique en quoi ma vie a été chamboulée, et pourquoi j'étais verte de trouille à l'idée de perdre ce sachet de bonbons. En fait, j'étais partagée entre deux dilemmes insupportables.
Ce soir-là, vers 18h, Halloween commençait déjà, je m’en fichais, je regardais la télé. Des enfants et leurs parents pouvaient bien passer de maisons en maisons pour demander des bonbons, je n’en avais pas et je ne leur répondrais pas. Plongée dans une émission sur un criminel fameux, j'avais oublié Halloween, lorsque quelqu'un frappa à ma porte. Machinalement, j'ai ouvert et me suis trouvée nez à nez avec un Vampire qui me tendait un sachet de bonbon-cadeau. J'ai accepté ces confiseries de tête de mort, araignée, dents de vampire, puis je les ai ignoré car je n'aime pas les bonbons et surtout ceux-là qui sont typiquement fabriqués pour les jeunes, sûrement acidulés, piquants, bourrés de colorants. Je les avais laissé traîner sur la table de la cuisine, pensant les donner à ma jeune voisine, dès que je la verrai. Puis, je suis retournée à mon émission. Lorsque je revins dans la cuisine, les bonbons n'existaient plus, ils étaient remplacés par un ballon qui se gonflait de lui même, prenant la forme allongée d'un serpent. Je voulus mettre cette saleté à la poubelle mais impossible: en le touchant, cela devenait collant comme du caramel, puis fondant et pour finir, l'ensemble se détachait en mille morceaux, chacun d'eux se tortillant, grésillant en s'échappant vers les autres pièces de la maison. J'étais envahie de sucreries vivantes et menaçantes qui se transformaient sans cesse, lunettes 3D, roses piquantes. A chaque fois que j'essayais de les enfermer à double nœud dans un sac plastique, leur volume augmentait à une rapidité sidérante ou bien leur forme changeait, ou leur état de solide à liquide, d'arrondi à coupant. A présent, elles se multipliaient et il y en avait partout, voulant s'échapper dehors. Je me décidai à sortir, suivie de près par tous ces bonbons redevenus plus raisonnables mais maléfiques. N'importe qui pouvait les trouver et les ramasser. Tant pis, j'avais besoin d'air et je ne voulais plus rester en leur compagnie. Ils me talonnaient et se tenaient tranquille à l'approche d'autres personnes. La nuit était tombée depuis longtemps et leur manège n'était visible que par moi.
Poursuivie par toutes ces sucreries ambulantes, je continuai ma route vers un jardin public et je m'installai sur un banc pour réfléchir à mon problème. Allaient-elles me laisser en paix, à la fin !
Je suis sortie dans la rue, pensant que ces satanés bonbons resteraient bien au chaud, à l'intérieur de mon chez-moi. Mauvaise pioche, ils redoublaient de vitesse, me dépassaient, m'encerclaient dès qu'il n'y avait personne en vue, comme si je les attirais. Je devenais de plus en plus nerveuse et voulut me diriger vers le centre-ville plus fréquenté. Au carrefour de deux avenues, alors que j'attendais que le feu passe au rouge pour traverser, ils se sont rapprochés dangereusement, brillants dans l'encre de la nuit, comme des gouttes de pluie, éparpillées autour de moi, descendant sur mes vêtements, nullement craintifs. Je lançais mes bras en l'air, faisant des moulinets désespérés pour les chasser et poussais des cris de terreur: Allez-vous en, allez au diable! Les passants me jetaient des regards interrogateurs et je me gardais bien de leur donner une quelconque explication. Je pensais sérieusement qu'il fallait que je me débarrasse de ces, comment les nommer, ni bonbons ni animal, ni rien de connu. J'étais bien seule à me débattre avec ces entités sucrées, sans résultat.
Seule solution, me réfugier dans un café où la lumière, les gens, tiendraient ces acharnées à distance. Ce que je fis sur le champ. Je les voyais, tapies sous les tables et les meubles, seule à les voir et leur seule proie, on dirait. Que faire pour qu' elles aillent ailleurs, vers qui ? Je n'avais pas de réponse, je savais juste qu'elles m'avaient choisi, moi, car naïvement, j'avais accepté ces bonbons, d'un individu déguisé en vampire, tout était parti de là, peut-être pas grimé, vraiment un personnage satanique, si ça s'trouve! Pour le moment, ils étaient tenus en respect. Je ne risquais rien, jusqu'à la fermeture et tout recommencera. On me mit dehors et je ne voulus pas retourner chez moi, sachant que si je m'endormais, accablée de fatigue, ces substituts du diable continueraient à me harceler. Une pensée folle me fit sursauter : et me dévorer! Donc, je me remis en route, avalant les kilomètres, sans autre but que de garder une distance de sécurité entre mes poursuivants sucrés et moi.
A force de marcher depuis plusieurs heures, si je stoppais mon avancée, fuite en avant, qui ne me menait nulle part d'ailleurs, ils revenaient à la charge, plus têtues tu meurs, je fatiguais et m'épuisais. Non seulement, ils m'emboîtaient le pas, mais en plus, ils grossissaient et se multipliaient. J'étais extenuée, à déambuler sans but, comme une malade. Tous les bars étaient fermés à cette heure !
J'avisai un muret et persuadée de devenir folle, je les vis s'agglutiner sur mon pantalon! Pas de doute, les bonbons me collaient aux basques, pas prêts à lâcher prise! Soudain, ils remontèrent sur ma peau, tels des sangsues et me lacérèrent les jambes! Je hurlai d'effroi et de douleur car j'avais la sensation d'être boulottée par une armée de moustiques ou alors ces bonbons étaient vraiment devenus des sangsues ! Est-ce que je rêvais ? Au secours ! Et je me suis mise à courir jusqu'à la gare, persuadée que j'allais être dévorée si je restais à me reposer, mais bien certaine de ne pas tenir longtemps à ce rythme ! Prendre ses jambes à son cou, quelle expression significative ! Mon cerveau carburait à plein régime.
Que faire ? Revenir à la maison ? C'était sûr que je n'aurai plus jamais de repos ! Si je voulais dormir, il me fallait une combinaison, genre scaphandrier, aucun magasin n'était ouvert. Quelle heure était-il ? Reliée à une bouteille d'oxygène, jour et nuit ? Pas pratique pour aller travailler, ça tombait bien, j'étais en vacances pour une semaine ! Mais après ? Je n'avais pas de montre, aucune affaire, pas d'argent, donc, en route vers mon domicile. Vite, plus vite, ça y est, l'impasse était en vue. Obligée de ralentir, n'en pouvant plus, je sentais le frôlement des dents de vampire sur mon cou, les pattes des araignées sur mes mains que j'agitais pour les décoller, sans espoir. Et je vis avec effroi qu'une quantité impressionnante de ces bonbons formait des lassos, fils de réglisse prêts à me sauter dessus, à viser mes chevilles, à s'entortiller autour de mes jambes, se métamorphosait en perles, puis en long collier tranchant pour me saucissonner.
Au secours ! A ce moment, je ne sais par quel miracle, toutes ces formes hideuses et malfaisantes redevinrent d'inoffensifs bonbons au fond d'un sac transparent que j'attrapai à la hâte, pour les laisser à nouveau sur la table de la cuisine. Enfin, je me suis affalée sur mon lit. Je retournai dans tous les sens le problème de leur destruction, poubelle ?
Non, ils s'en échapperaient, les envelopper d'une multi couche de journaux, rien ne les arrêterait. Pourquoi, cette soudaine trêve des confiseries ? Il faisait jour, voilà pourquoi, j'avais donc du répit jusqu'à la nuit prochaine où tout recommencerait ! Je priai pour que ma théorie soit exacte, en effet, je ne fus pas inquiétée de toute la journée passée à récupérer un peu de forces, à m'affairer pour remplir ma valise , prendre le train, puis l'avion et me voici à espérer réussir cette épuisante tâche, avant le coucher du soleil. C'était décidé, j'irai dans le Sahara ! Il fallait que j’enterre ces substituts de bonbons dans un endroit inaccessible, sous des mètres de sable, comme ce désert.
Aujourd'hui, mission accompliemais j'ai toujours une boule au ventre, la panique m'envahit souvent. Je les vois soit à m'attendre, soit à s'acharner sur mon corps ou celui d'une autre victime! Je suis devenue insomniaque, toujours les mêmes questions en boucle, sans réponses. Que se passerait-il si quelqu'un mangeait ces cochonneries ? Deviendrait-il un énorme bonbon, dévoreur de chair humaine, dès la nuit tombée ? Et moi, m'auraient-elles découpé en morceaux, mâché et digéré, tel un monstre sanguinaire, un vampire d'un autre genre ? Est-ce que j'étais l'unique victime de ce vampire, qui agissait à travers ces bonbons? Y avait-il des cas de gens avec des morsures inexpliquées dans ma ville, ma région, en France ? Ce vampire ou ces bonbons allaient-ils revenir ?
Françoise Grenier Droesch