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13 mai 2012 7 13 /05 /mai /2012 20:11

Depuis le temps que je dois vous mettre cette nouvelle !

 

LE VOYAGE

 

    Cela pourrait se passer dans la Rioja, une province qui s'appelle la Rioja, en tous cas cela se passe l'après-midi, presque à la tombée de la nuit, même si cela a commencé plus tôt, dans la cour d'une propriété à la campagne, au moment où l'homme a dit que le voyage était compliqué mais qu'après il pourrait se reposer, d'autant qu'il partait pour ça, on lui avait conseillé d'aller passer quinze jours tranquille à Mercedes. Sa femme l'accompagne en voiture jusqu'au village où il faut prendre les billets, on lui dit qu'il valait mieux prendre les billets à la gare du village et s'assurer au passage que les horaires n'avaient pas changé. Au fond de leur campagne, avec cette vie qu'ils mènent, on a l'impression que beaucoup de choses peuvent changer au village sans qu'on s'en apercoive, y compris les horaires, et c'est souvent le cas. Il vaut  donc mieux prendre la voiture et faire un crochet par le village bien que ça risque d'être juste, après, pour attraper le train à Chaves.

    Il est plus de cinq heures quand ils arrivent à la gare et ils laissent la voiture sur la place poussièreuse entre les carrioles et les charrettes chargées de ballots et de bidons. Ils n'ont pas beaucoup parlé pendant le parcours, l'homme s'est simplement inquiété d'une chemise et la femme a répondu qu'elle avait préparé sa valise et qu'il n'avait plus qu'à mettre ses livres et ses papiers dans la sacoche.

- Juarez connaissait les heures des trains, dit l'homme. Il m'a expliqué comment on va à Mercedes et il m'a dit que je ferais mieux de prendre les billets au village et de vérifier qu'il y a toujours la même correspondance de trains.

- Oui, tu me l'as déjà dit, répond la femme.

- De chez nous à Chaves, il y a bien soixante kilomètres en voiture. Il paraît que le train pour Peulco part à neuf heures et quelque.

- Tu laisseras l'auto au chef de gare, dit la femme d'un ton mi-interrogatif.

- Oui. Le train de Chaves arrive après minuit à Peulco, mais il paraît qu'on trouve toujours des chambres avec bain à l'hôtel. L'ennui, c'est que je n'aurai pas beaucoup de temps pour dormir, l'autre train part à cinq heures du matin ou à peu près, il va falloir le demander, et il y a encore un bon bout de chemin jusqu'à Mercedes.

- Oui, c'est loin.

    Il n'y a pas grand monde à la gare, des gens de l'endroit qui achètent des cigarettes au kiosque ou attendent sur le quai.

La salle des billets est au bout du quai, presque au bord des voies de garage. C'est une salle avec un comptoir crasseux, des murs couverts d'affiches et de cartes et, vers le fond, deux bureaux et le coffre-fort. Un homme en chemisette est assis derrière le comptoir, une jeune fille manipule un appareil télégraphique sur l'un des bureaux. Il fait presque nuit mais on n'a pas allumé la lumière, on profite jusqu'au bout de la clarté marron qui passe lentement par la fenêtre du fond.

- Il va falloir repartir vite à la maison, dit l'homme. J'ai encore à charger les bagages et je me demande si j'ai assez d'essence.

- Prends les billets et on repart tout de suite, dit la femme qui est restée un peu en arrière.

- Oui, mais attends que je réfléchisse, dit l'homme. Alors je vais d'abord à Peulco ? Non, je veux dire qu'il me faut prendre un billet à partir de l'endroit que m'a dit Juarez, je ne ma rappelle plus très bien.

- Tu ne te souviens pas, dit la femme avec cette façon qu'elle a de poser des questions comme si ça n'en était pas.

- C'est toujours pareil avec les noms, dit l'homme avec un sourire ennuyé. Ils m'échappent au moment de les dire. Et après, un autre billet de Peulco à Mercedes.

- Mais pourquoi deux billets ? dit la femme.

- Juarez m'a expliqué que ce sont deux compagnies différentes et que c'est pour ça qu'il faut deux billets mais on te les vend quand même ensemble dans n'importe quelle gare et finalement, ça revient au même. Encore un coup des Anglais.

- Il y a beau temps que ce ne sont plus les Anglais, dit la femme.

    Un jeune homme brun est entré dans la salle et vérifie quelque chose au mur. La femme s'approche du comptoir et s'y appuie d'un coude ; elle est blonde, elle a un visage fatigué et beau, comme perdu dans un étui de cheveux dorés qui éclairent vaguement son contour.

L'employé la regarde un moment mais elle ne dit rien, comme si elle attendait que son mari s'approche pour acheter les billets. Personne ne dit bonjour à personne dans la salle, il faitsi sombre que cela ne semble pas nécessaire.

- Là, sur cette carte, on pourra retrouver le nom, dit l'homme en allant vers le mur de gauche. Nous, nous sommes ...

Sa femme se rapproche et regarde le doigt qui hésite sur la carte et cherche un point où se poser.

- Ca, c'est toute la province et nous, nous devons être par là, dit l'homme. Attends, c'est ici. Non, ce doit être plus au sud. il me faut aller par là, c'est dans cette direction, tu vois. En ce moment, nous sommes ici, du moins, il me semble.

    Il recule d'un pas pour embrasser du regard toute la carte ; il la regarde longuement.

- C'est toute la province, dit la femme. Et toi, tu dis que nous sommes là.

- Ici, oui, bien sûr. Ce doit être ça le chemin. Soixante kilomètres jusqu'à cette gare, c'est ce que m'a dit Juarez. Le train doit partir de là, je ne vois pas d'autre possibilité.

- Bon, alors prends les billets, dit la femme.

    L'homme regarde la carte encore un instant et s'approche de l'employé. Sa femme le suit, revient s'appuyer au comptoir comme si elle se préparait à attendre longtemps.Le garçon s'arrête de parler à l'employé et va  consulter l'horaire sur le mur. Une lampe bleue s'allume sur le bureau de la télégraphiste. L'homme a sorti son portefeuille et y prend plusieurs billets.

- Il me faut aller à ...

   Il se tourne vers sa femme qui regarde un dessin sur le comptoir, une espèce d'avant-bras rouge mal dessiné.

- Comment était-ce le nom de la ville où je dois aller ? Ca m'échappe. La première ville, celle où je vais en voiture.

   La femme lève les yeux en direction de la carte. L'homme a un geste d'impatience parce que la carte est loin et que ça ne servira à rien. L'employé s'est accoudé au comptoir lui aussi et attend sans rien dire. Il a de lunettes vertes et une touffe de poils roux jaillit de sa chemise entrouverte.

- Il me semble que tu avais dit Allende, dit la femme.

- Mais non, pas Allende, pas du tout.

- Je n'étais pas là quand Juarez t'a expliqué.

- Oui, mais je t'ai redit les noms en voiture.

- Il n'y a aucune gare du nom d' Allende, dit l'employé.

- Je m'en serai douté, dit l'homme. Non, là où je vais, c'est ...

   La femme regarde de nouveau la forme de l'avant-bras rouge qui n'est pas un avant-bras, maintenant elle en est sûre.

- Ecoutez, je voudrais un billet de première pour ... je sais qu'il me faut y aller en voiture, c'est au nord de chez nous. Alors, tu ne te souviens pas ?

- Prenez votre temps, dit l'employé. Réfléchissez tranquillement.

- Je n'ai pas tellement de temps, justement, dit l'homme. Il me faut aller en voiture jusqu'à ... Et c'est de là que je veux un billet pour cette gare d'où j'ai une correspondance pour Allende, mais vous dites que ce n'est pas Allende. Pourquoi ne te rappelles-tu pas, toi ?

   Il se rapproche de sa femme, lui pose la question d'un air de surprise presque scandalisée. Il est sur le point de revenir à la carte mais il y renonce et attend, un peu penché vers sa femme qui passe un doigt sur le dessin rouge.

- Vous avez le temps, dit l'employé.

- Alors ... dit l'homme. Alors, tu ne te souviens pas ?

- C'était quelque chose comme Moragua, dit la femme, et on dirait qu'elle pose une question.

   L'homme a un regard vers la carte mais il voit l'employé secouer la tête.

- Non, dit l'homme, ce n'est pas ça. Ce n'est pas possible que nous ne nous rappelions pas alors que juste en venant...

- C'est toujours comme ça, dit l'employé. Le mieux, c'est de se distraire en parlant d'autre chose et alors plaf, le nom vous tombe devant comme un oiseau. C'est ce que je disais encore ce matin à un monsieur qui allait à Ramello.

- Ramello, dit l'homme. Non, ce n'est pas ça non plus. Mais peut-être que si je voyais la liste des gares ...

- Elles sont toutes là, dit l'employé en montrant l'horaire affiché au mur. Mais il y en a plus de trois cents. Parce que même les gares de marchandises et les simples haltes ont un nom elles aussi, bien sûr.

   L'homme s'approche de l'horaire et pose son doigt au début de la première colonne. L'employé attend, enlève une cigarette de son oreille eten lèche le bout avant de l'allumer ; il regarde le femme toujours appuyée au comptoir. Dans la pénombre, il a l'impression qu'elle sourit mais on y voit mal.

- Donne un peu de lumière, Juana, dit l'employé, et la télégraphiste étire le bras jusqu'à un bouton au mur ; une lampe s'allume au plafond jaunâtre.

L'homme est arrivé au milieu de la deuxième colonne et s'arrête, il remonte, redescend, s'écarte. Maintenant, oui, la femme sourit franchement, l'employé l'a vu à la lumière de la lampe, il en est sûr, lui aussi sourit sans trop savoir pourquoi jusqu'à ce que l'homme se retourne brusquement et revienne au comptoir. Le jeune homme brun s'est assis sur un banc à côté de la porte et c'est une personne de plus dans la salle, une autre paire d'yeux qui se promène d'un visage à l'autre.

- Je vais me mettre en retard, dit l'homme. Si au moins tu te souvenais, moi, tu sais bien que je ne retiens aucun nom.

- Juarez t'avait tout expliqué, dit la femme.

- Laisse Juarez tranquille, c'est à toi que je le demande.

- Il fallait prendre deux trains, dit la femme. D'abord, tu allais en voiture jusqu'à une gare et je me rappelle que tu as dit que tu laisserais la voiture au chef de gare.

- Qu'est-ce que ça a à voir ? dit l'homme.

- Toutes les gares ont un chef de gare, dit l'employé.

   L'homme le regarde mais il n'a peut-être pas entendu. Il attend que sa femme se souvienne, il semble soudain que tout dépende d'elle, de sa mémoire. Il ne lui reste plus beaucoup de temps, il va falloir rentrer à la maison, charger les valises et repartir vers le nord. Sa fatigue, brusquement, est comme ce nom dont il ne se souvient plus, un vide qui lui pèse de plus en plus. Il n'a pas vu sourire sa femme, il n'y a que l'employé qui l'ait vu. Il attend encore qu'elle se souvienne, il l'aide de toute son immobilité, il appuie ses mains sur le comptoir, tout près du doigt de la femme qui continue de jouer avec le dessin de l'avant-bras rouge à présent qu'elle sait que ce n'est pas un avant-bras.

- Vous avez raison, dit-il en regardant l'employé. Quand on y pense trop les choses vous échappent. Mais toi, peut-être...

   La femme arrondit les lèvres comme si elle voulait boire quelque chose.

- Peut-être que je vais me rappeler, dit -elle. Dans la voiture, nous avons dit que tu allais d'abord à ... Ce n'était pas Allende, n'est-ce pas ? Alors, c'était quelque chose comme Allende. Regarde de nouveau à A ou à H. Si tu veux, je regarde, moi.

- Non, ce n'était pas ça. Juarez m'a expliqué la meilleure combinison. Il y a bien une autre façon, mais ça fait trois changements.

- Ca fait trop, dit l'employé. Déjà, deux c'est pas mal, avec toute la poussière qui entre dans les wagons, sans parler de la chaleur.

   L'homme fait un geste d'impatience et tourne le dos à l'employé, il s'interpose entre lui et la femme. Il voit du coin de l'oeil le jeune homme qui le regarde de son banc et il se tourne un peu plus encore pour ne voir ni l'employé ni le garçon, pour rester complètement seul en face de la femme qui a enlevé son doigt du dessin et regarde son ongle verni.

- Moi, je ne me rappelle pas, dit l'homme à voix très basse. Je ne me souviens de rien, tu le sais bien. Mais toi, réfléchis un peu, je suis sûr que tu vas finir par te rappeler.

   La femme fronce à nouveau les lèvres, elle bat des cils, trois fois. La main de l'homme encercle son poignet et serre. Elle le regarde sans battre des cils à présent.

- Las Lomas, dit-elle. C'était peut-être Las Lomas.

- Non, dit l'homme. Ce n'est pas possible que tu ne te rappelles pas !

- Ramallo alors. Non, je l'ai déjà dit. Si ce n'est pas Allende, c'est sûrement Las lomas. Si tu veux, je vais chercher sur la carte.

   La main lâche le poignet et la femme frotte la marque sur la peau et souffle doucement dessus. L'homme a baissé les yeux et erspire bruyamment.

- Il n'y a pas non plus de gare qui s'appelle Las Lomas, dit l'employé.

   La femme le regarde par-dessus la tête de l'homme qui s'est penché sur le comptoir. Sans se presser, comme à tâtons, l'employé lui sourit à peine.

- Peulco, dit brusquement l'homme. Je me souviens à présent. C'était Peulco, n'est-ce pas ?

- Peut-être ,dit la femme. C'est peut-être Peulco, mais ça ne me dit pas grand-chose.

- Si vous allez en auto jusqu'à Peulco, vous en avez pour un bout de temps, dit l'employé.

- Tu ne crois pas que c'était Peulco? dit l'homme.

- Je ne sais pas, dit la femme. Tu en étais sûr, il y a un instant, moi, je n'ai pas fait très attention. C'est peut-être bien Peulco.

- Juarez m'a dit Peulco, j'en suis sûr à présent. De chez nous à cette gare, il y a dans les soixante kilomètres.

- Il y a beaucoup plus, dit l'employé. Vous n'avez pas intérêt à aller à Peulco en voiture. Et une fois là-bas, vous continuez sur où ?

- Comment, je continue sur où ?

- Je vous dis ça parce que Peulco n'est qu'une correspondance. Trois maisons et l'hôtel de gare. Les gens ne vont à Peulco que pour changer de train. Mais si vous avez affaire là-bas c'est une autre histoire.

- Ca ne peut pas être si loin, dit la femme. Juarez t'a parlé de soixante kilomètres, donc ce n'est pas Peulco.

   L'homme tarde à répondre, une main appuyée sur son oreille, comme s'il écoutait à l'intérieur. L'employé n'a pas quitté la femme des yeux et il attend.Il n'est pas sûr qu'elle lui ait souri en parlant.

- Oui, c'est certainement Peulco, dit l'homme. Et puisque c'est si loin, ça doit être la deuzième gare. Il faut donc que je prenne un billet pour Peulco et que j'y attende l'autre train. Vous avez dit que c'est un croisement ferroviaire et qu'il y avait un hôtel, alors c'est Peulco.

- Mais ce n'est pas à soixante kilomètres, dit l'employé.

- Evidemment pas, dit la femme en se redressant et en haussant un peu la voix. Peulco doit être la deuxième gare mais ce que mon mari a oublié, c'est le nom de la première, celle qui se trouve à soixante kilomètres d'ici. C'est ce que t'a dit Juarez, je crois.

- Ah ! dit l'employé. Eh bien, dans ce cas, il faudrait que vous alliez d'abord à Chaves et que vous y preniez le train pour Peulco.

- Chaves, dit l'homme. C'est peut-être bien Chaves en effet.

- Alors de Chaves on va à Peulco, dit la femme sur un ton presque interrogatif.

- C'est la seule façon d'y aller à partir d'ici, dit l'employé.

- Tu vois, dit la femme. Si tu es sûr que la deuxième gare soit Peulco.

- Mais tu ne te rappelles pas, toi ? dit l'homme. A présent, j'en suis à peu près sûr mais quand tu as dit Las Lomas, ça m'a semblé possible aussi.

- Je n'ai pas dit las Lomas, j'ai dit Allende.

- Ce n'est pas Allende, dit l'homme. Tu n'avais pas dit Las Lomas ?

- Si, peut-être. il me semble qu'en voiture c'est toi qui avais parlé de las lomas.

- Il n'y a aucune gare de ce nom, dit l'employé.

- Alors, j'ai sans doute dit Allende mais je n'en suis plus sûre. Ce doit être Chaves et Peulco, comme vous dites. Prends un billet pour Peulco, alors.

- Bien sûr, dit l'employé en ouvrant un tiroir. Et puis, après Peulco ? Parce que je vous ai dit que Peulco est une correspondance.

   L'homme cherche dans son portefeuille d'un mouvement vif mais les derniers mots de l'employé l'arrêtent, main en l'air. L'employé s'appuie sur le bord du tiroir ouvert et attend de nouveau.

- Et de Peulco, vous me donnez un billet pour Moragua, dit l'homme d'une voix qui semble rester en arrière, indécise comme sa main en l'air qui tient l'argent.

- Il n'y a aucune gare du nom de Moragua, dit l'employé.

- C'était un nom comme ça, dit l'homme. Tu ne te rappelles pas ?

- Oui, en effet, c'était quelque chose comme Moragua, dit le femme.

- Il y a pas mal de gares qui commencent par M, dit l'employé. Je veux dire à partir de Peulco. Vous vous rappelez combien de temps il durait vitre voyage ?

- Toute la matinée, dit l'homme. Dans les six heures.

   L'employé regarde uen carte placée sous un verre au bout du comptoir.

- Ca pourrait être Malumba ou plutôt Mercedes, dit-il. A cette distance, je ne vois que ces deux-là, ou encore Amorimba. Amorimba a deux M, c'est pour ça.

- Non, dit l'homme. Ce n'est aucune de celles-là.

- Amorimba, c'est un petit village, mais Mercedes et Malumba, ce sont des villes. Avec M, je n'en vois pas d'autres dans le coin. C'est forcément  une de celles-là, si vous prenez le train à Peulco.

   L'homme regarde la femme en froissant lentement ses billets dans sa mian tendue et la femme arrondit les lèvres et hausse les épaules.

- Je ne sais pas, mon chéri. C'était peut-être Malumba, non ?

- Malumba ... répète l'homme. Alors, tu crois que c'est Malumba ?

- Je n'en sais rien. Mais ce monsieur dit qu'à partir de Peulco, il n'y a que ces deux-là de possibles, ou Mercedes. C'est peut-être aussi Mercedes, mais ...

- En venant de Peulco, c'est forcément Malumba ou Mercedes, dit l'employé.

- Tu vois, dit la femme.

- C'est Mercedes, dit l'homme. Malumba ne me dit rien tandis que Mercedes, si. Je vais à l'hôtel Mondial, peut-être pouvez-vous me dire s'il y a un hôtel de ce nom là-bas.

- Oui, en effet, dit le garçon assis sur le banc. Même qu'il est à deux cents mètres à peine de la gare.

   La femme le regarde, l'employé attend un moment avant d'avancer deux doigts vers le tiroir des billets. L'homme s'est penché sur comptoir pour mieux lui tendre l'argent et en même temps, il tourne la tête et regarde le juene homme.

- Merci, dit-il. Merci beaucoup.

- C'est une chaîne d'hôtels, dit l'employé. Excusez-moi, mais à Malumba aussi il y a un hôtel Mondial et peut-être même à Amorimba, mais c'est moins sûr.

- Alors ... dit l'homme.

- Essayez toujours Mercedes, dit l'employé, après tout, si ce n'est pas là, vous pourrez toujours reprendre le train jusqu'à Malumba.

- Moi, Mercedes, ça me dit davantage quelque chose, pas toi ?

- Moi aussi, surtout au début.

- Comment, au début ?

- Quand ce jeune homme t'a dit qu'il y avait un hôtel Mondial. Mais s'il y en a aussi à Malumba ...

- C'est Mercedes, dit l'homme. Je suis sûr que c'est Mercedes.

- Prends les billets alors, dit la femme comme si elle se désintéressait de la chose.

- De Chaves à Peulco et de Peulco à Mercedes, dit l'employé.

   Les cheveux cachent le profil de la femme qui, de nouveau, regarde le dessin rouge sur le comptoir et l'employé ne peut pas voir sa bouche. De sa main aux ongles vernis, elle frotte lentement son poignet.

- Oui, dit l'homme après une hésitation qui dure à peine. De Chaves à Peulco et de Peulco à Mercedes.

- Il va falloir vous dépêcher, dit l'employé en choisissant un petit carton bleu et un autre vert. Ca fait plus de soixante kilomètres d'ici  Chaves et le train passe à neuf heures cinq.

   L'homme pose l'argent sur le comptoir et l'employé lui rend la monnaie tout en regardant la femme qui frotte lentement son poignet. Il n'arrive pas à savoir si elle sourit et peu lui importe, mais tout de même, il voudrait bien savoir si elle sourit derrière tous ces cheveux dorés qui lui tombent devant la bouche.

- Hier soir, il a pas mal plu du côté de Chaves, dit le garçon. Ne perdez pas de temps, les chemins vont être boueux.

   L'homme reprend la monnaie et met les billets dans la poche de sa veste. La femme avec deux doigts rejette ses cheveux en arrière et regarde l'employé. Elle serre un peu les lèvres comme si elle avalait quelque chose. L'employé lui sourit.

- Allons-y, dit l'homme. J'ai tout juste le temps.

- Si vous partez tout de suite, vous arriverez largement, dit le garçon. Mais emportez peut-être des chaînes, le terrain doit être glissant, par là-bas.

   L'homme acquiesce et salue vaguement d'un geste de la main en direction de l'employé. La femme attend qu'il soit parti pour aller à son tour vers la porte qui s'est refermée toute seule.

- Ce serait tout de même embêtant qu'il se soit trompé, dit l'employé comme s'il parlait au garçon.

   Arrivée à la porte, la femme tourne la tête et le regarde, mais la lumière l'atteint à peine là où elle est et il est difficile de savoir si elle a claqué la porte en sortant ou bien le vent qui se lève presque toujours à la tombée du soir.

FIN

 

 

 

 

 

 

 

 

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  • : Le blog de francoisegrenierdroesch auteur fantastique
  • : Je mettrai mes essais littéraires, mes coups de coeur, des liens vers mon roman fantastique " LE PIANO MALÉFIQUE " car je me suis découvert une passion pour l'écriture alors que jusque là, je dessinais et gravais. Mais, je suis enseignante et donc, j'ai peu de temps à consacrer à ce blog, ne m'en voulez pas d'être parfois longtemps absente ! Du Cauchemar au rêve, il n'y a qu'un livre ! ( La Confrérie de l'imaginaire )
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  • D'abord, j'ai toujours dessiné,( mon père étant peintre d'aquarelles superbes sur le vieux Troyes et œuvrant pour les Bâtiments de France comme adjoint d'architecte, j'ai hérité de son don pour le dessin ).Des rêves/cauchemars traînent dans
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